Marcel Duchamp, Faire Impressions
Sélection d’objets imprimés provenant d'une collection havraise

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L’exposition «Marcel Duchamp, Faire impressions» est née du désir d’un collectionneur de présenter dans sa ville du Havre, des éditions originales de Marcel Duchamp. Dans ce fonds constitué avec passion et esprit de finesse, les com- missaires de l’exposition, Danièle Gutmann et Vanina Pinter, toutes deux enseignantes et historiennes des arts à l’ESADHaR, ont sélectionné des œuvres imprimées conçues par l’artiste, particulièrement inventives en matière de graphisme et d’édition.
Cette exposition croise deux circonstances : le cinquantième anniversaire de la mort de Duchamp (2 octobre 1968) et l’orientation «Design graphique» du site havrais de l’ESADHaR.
Si nous connaissons mieux les œuvres majeures de Duchamp que constituent les Ready-mades et le Grand Verre et qui ont renversé les attendus du monde de l’art, la production d’objets imprimés (édition de boîtes, conception et mise en page de livres et de cata- logues d’exposition, couvertures de revues, cartons de vernissage, carte postale, affiches) n’en est pas moins surprenante d’audace. Cet ensemble a été peu étudié dans les corpus d’histoire du design graphique. Non seulement, Duchamp a contribué à penser et à impression-ner son époque mais il a donné immédiatement matière à réflexion aux graphistes. L’exposition en témoignera avec une affiche de Max Bill (datant de 1960).
Pour la majeure partie postérieure à 1930, cette production correspond au moment où Marcel Duchamp semble s’être totale- ment éloigné du monde de l’art. Or, malgré les apparences ou les déclarations, il n’en demeura pas moins un acteur actif, sollicité, soit en tant qu’organisateur et scénographe d’expositions, notamment celles qu’organisait André Breton pour la mouvance surréaliste, soit en tant qu’agent artistique pour des amis (artistes, collectionneurs ou galeristes), ou comme concepteur de livres, de couvertures de revues et d’affiches.

Ses affiches ne concernaient pas, dans un premier temps, ses propres expositions ; car jusque dans les années 1950, il ne chercha pas montrer ses œuvres au public. Il déclinait le plus souvent les propositions qui lui étaient faites, pouvant répondre, comme il le fit à Jean Crotti en 1921: «Tu sais très bien que je n’ai rien à exposer – que le mot exposer ressemble au mot épouser. » (Bernard Marcadé, Marcel Duchamp, Flammarion, 2007, p.221).
Son attitude de retrait du monde artistique se modifia avec la reconnaissance progressive de son importance artistique par les jeunes Américains à la fin des années 1950. Aussi sa capacité à créer des mises en forme graphiques toujours renouvelées, s’appliqua également à lui-même.

L’exposition «Marcel Duchamp, faire impressions» propose une cinquantaine d’œuvres, réparties en trois salles ou trois domaines, sans que leurs contours soient totalement étanches:

IMPRIMER
Marcel Duchamp a été formé aux métiers de la gravure et de l’im- primerie qui lui ont inculqué une «technique d’extrême précision» et le rendront attentif aux objets imprimés et à la typographie. Plus tard, multiplier, reproduire, diffuser, prendre une part active à la direction artistique (de livres, de catalogues, de magazines par le biais de création de couvertures) témoigneront autant de sa volonté de quitter, de provoquer la peinture que de lier au quotidien, art et vie. Au centre de ces savoir-faire, la Boîte Verte.

EXPOSER
L’artiste deviendra un acteur protéiforme des métiers de l’exposi- tion: à la fois commissaire, scénographe, «étalagiste», concepteur de catalogues, d’affiches, de cartons d’invitation, et trouble-fête. Car dans l’espace d’exposition, il s’agit aussi pour lui de faire œuvre, de bouleverser les codes habituels de lecture, d’empêcher les spectateurs d’être posés, d’être dans un face-à-face sacralisant.

MARCEL DUCHAMP, OUVREUR D’ESPACES
Dès ses écrits préparatoires au Grand Verre, Duchamp spécule sur les idées de projection, de translation de tous ordres (ombres, reflets, négatifs, inversions, quatrième dimension, jeux de mots). Il poursuivra cette prédisposition à ouvrir de nouveaux espaces, que ce soit dans la réutilisation graphique de ses premiers motifs (ready-mades, Témoins oculistes, Rotoreliefs,…), dans la création d’œuvres nouvelles, ou dans l’aménagement de lieux de vie
et d’exposition.

Il importait aux deux commissaires que l’exposition puisse activer la création contemporaine et donc de demander à deux anciens diplômés de l’ESADHaR, Kévin Cadinot pour la scénographie et Mathieu Roquet pour la conception graphique et la signalétique, de penser la spécificité (plurisensorielle) de ce fonds.
Cette manifestation serait incomplète, si elle n’y associait pas les étudiants de l’ESADHaR. Les commissaires ont donc souhaité que cet événement devienne un moment pédagogique fort, un moment de partage autour de l’élaboration, de la création graphique et de la diffusion de l’exposition.

Qu’elle nous permette de méditer la devise duchampienne :
«Ne rien imprimer sans y croire».

Commissariat d’exposition : Danièle Gutmann et Vanina Pinter
Scénographie : Kevin Cadinot
Conception graphique, signalétique : Mathieu Roquet.